PAUL JIN PARK
« Fiction et opérabilité »
Les expérimentations portent sur le rapport entre la transition entre l’immersion fictionnelle et l’émersion opérationnelle avec l’imprévisibilité du jeu en mettant en doute la valeur absolue du créateur. La possibilité d'une nouvelle interprétation de la « feintise fictionnelle » sera influencée par l'« Opérabilité » propre de chaque joueur. Dans ce cas, la question de savoir si la feintise peut être reconnue comme une activité artistique indépendante devient une question à se poser.
Dans ces expérimentations, le terme « fiction » est utilisé selon la définition de Jean-Marie Schaeffer : « feintise ludique partagée.» Si le terme « feintise » est défini comme « une capacité de feindre ou une action de feindre» et le verbe « feindre » signifie de « simuler pour tromper», la « feintise » est résumée comme une « possibilité de la simulation pour tromper ». À cet égard, les processus de visualisation simulée par le dispositif artistique seraient autant de feintises illusoires intégrées entre le corps, l’espace et le dispositif. De plus, l'espace reconfiguré, par l’opération des participants, crée une scène théâtrale. Ainsi, la superposition des images musicales et visuelles générées par l'« Opérabilité » dépend absolument de cette spatialité de la feintise scénographique et opérable. Donc, dans cet espace de la feintise, le spectateur, l'audience, l'acteur, le joueur, l'utilisateur et l'opérateur sont confondus entre les résultats produits par l’opération de dispositif artistique. Bernard Guelton dit : « Le spectateur qui se confirme comme l’un des auteurs essentiels de la scénographie témoigne de l’importance accrue des acteurs qui permettent à l’œuvre d’exister.»
Si, l’« Opérabilité » est « la possibilité d’une action ou série d’actions organisées en vue d’atteindre un but donné prévisible ou imprévisible», la fiction (une feintise ludique partagée) concernant le jeu a une caractère instable par l’imprévisibilité. Bernard Guelton dit : « Le jeu s’élabore librement sans qu’il n’y ait de fixation stable ou durable entre auteur et acteur, tous les rôles étant interchangeables.» Dans ce contexte, l’« Opérabilité » s’expérimente, entre le contrôle continu du dispositif et l'imprévisibilité du contexte et des actions des participants pour réfléchir la fiction et la performativité du jeu. Donc, avec les trois groupes des travaux, les expérimentations aboutissent à trois types de feintise concernant la fiction et l’« Opérabilité » : 1) Feintise de l’intégration (Improvisation scénographique) ; 2) Feintise du déplacement entre réel et fiction (Performativité du jeu) ; 3) Feintise du rôle entre l’espace réel et virtuel (Dispositif artistique). Ces trois types de feintise sont précisées pour conclure.
« Trois types de feintise »
1) Feintise de l’intégration : Improvisation scénographique
Dans le premier groupe des travaux (ESPACE et OPÉRABILITÉ : Intégration de Lumière, Son et Architecture), le Jeu de lumière avec l’immersion sonore se joue grâce au contrôle direct des mains de l’opérateur par un joystick. Ces interventions créent simultanément une improvisation musicale et visuelle en s’intégrant à la structure du bâtiment. Ainsi, avec ce contrôle improvisé continu, l’opérateur devient un créateur de la musique et un spectateur de l’image à la fois. De plus, lorsqu’un participant se trouve face à l'image projetée sur le mur, il perçoit deux situations différentes qui se croisent. Au fur et à mesure que la couleur change séquentiellement, le participant a la sensation d’avancer. (L'image projetée au mur nous donne l'impression d’avancer.) En revanche, si l’espace fixe sert de référence, l’espace représenté nous donne l’impression de reculer. (Le spectateur peut sentir que le rectangle sur la surface du mur fixe se déplace vers lui.) De plus, l’opération du contrôleur devient une improvisation pour obtenir une musique et une forme géométrique en réponse à des interférences. Ainsi, l'espace lui-même devient une feintise spatiale opérable et musicale. Si la fiction signifie une feintise ludique partagée (Jean-Marie Schaeffer), dans ce cas, l'expérience dans laquelle l'acteur, le joueur, l'utilisateur et l'opérateur sont mélangés permet une feintise théâtrale géométrique et musicale.
Dans le Jeu de lumière avec l’onde cérébrale , le changement d’image lumineuse est le résultat opéré par la combinaison entre l’interface numérique virtuelle et les données réelles physiologiques du participant. Dans ce cas le participant lui-même devient en même temps, l’opérateur, le spectateur et le créateur des images changeantes. De plus, dans ce jeu les participants peuvent intentionnellement induire une feintise de leur état psychologique en créant leur propre environnement lumineux abstrait. Donc, les processus de visualisation simulée par ce dispositif seraient une feintise illusoire intégrée entre le corps, l’espace et le dispositif. Il s’agit d’un phénomène visuel dû au mental du participant et non à une simple coïncidence objective. Ainsi, ces donnes mesurées par le dispositif appartiennent à des domaines de la feintise représentée qui ne peuvent être contrôlés librement car l’image visuelle qui vient se superposer au bâtiment est autant liée à l'émotion du participant qu'à l'information objective fournie par le dispositif.
2) Feintise du déplacement entre réel et fiction : Performativité du jeu
Dans le deuxième groupe des travaux (CORPS et RÉEL : Déplacement et Corps), le Jeu de déplacement perspectif expérimente une superposition, entre les corps en mouvement des participants, l’image géométrique sur la plaque et l’image réelle de l’arrière-plan vu à travers les plaques transparentes, et crée une image virtuelle ou fictionnelle. Dans ce jeu, le participant se déplace continuellement ou discontinuellement afin de superposer l’image collée sur les plaques transparentes et la scène d’arrière-plan. De cette façon, le marcheur devient le spectateur, l’acteur et le créateur de l’image superposée mobile. Dans ce jeu, les choix de l'auteur et de l'arrière-plan se croisent toujours. Les trace de l'auteur sont retraitées par le processus de perception et de réinterprétation du spectateur. Le choix de l'auteur et l'expérience de l'observateur se superposent. De plus, lorsque le spectateur se déplace, l'image dans la plaque transparente devient une nouvelle. Dans ce cas, les images changeantes sont à la fois « actuelles et virtuelles » et « réelles et fictionnelles ». La superposition est une situation contextuelle naturelle dans la spatialité réelle aussi bien qu'un motif segmenté dans une durée particulière fictionnelle. Par conséquent, ce jeu devient une feintise théâtrale et une performativité du jeu permettant des changements de rôle entre l’acteur et le spectateur.
Dans le Jeu de déplacement avec la réflexion par le corps , l'image générée par le déplacement de l’utilisateur des lunettes transformées et le réglage de l'angle du miroir implique un espace réflexif virtuel hypothétique. Dans cette expérience, l’utilisateur qui perçoit l’environnement devient le spectateur, l’opérateur et le créateur de l’image séquentielle. Dans ce jeu, l'image est faite au fur et à mesure de la volonté de l'acteur et du réglage des lunettes. Ce changement d’image transforme le corps en une série d’images illusoires. Ainsi, ces expérimentations remettent en question le sens de l’« Opérabilité » entre le corps en tant que le réel et le corps en tant que fiction. Le participant a sa propre perception en croisant ou en superposant des images reflétées. Donc, d’une part, ces images reflétées deviennent elles-mêmes leur propre élément d'opérabilité pour la création d'un espace virtuel en superposant des images segmentées, et l’autre part, l'« Opérabilité » englobe les possibilités de feintises successives par interaction entre les différentes reflétés.
Dans le Jeu de déplacement avec la réflexion par le dispositif , au fur et à mesure du contrôle de la télécommande sans fil, les images reflétées ont plusieurs possibilités de réflexion actives par l’opérateur. Quel que soit le sujet que le miroir reflète dans les conditions réelles, une combinaison d'images réelles et virtuelles est créée par cette opération continue. Dans ce cas l’opérateur devient simultanément un spectateur et un metteur en scène. Le dispositif du miroir circulaire génère différentes images au fur et à mesure du déplacement de celui-ci. Dans ce jeu, l'espace intérieur ou l'espace extérieur (en fonction du lieu d’exposition) modifient la possibilité d’image changeante dans le miroir circulaire par le déplacement. Ces images « situationnelles » peuvent être conçues comme une feintise scénographique opérable.
3) Feintise du rôle entre l’espace réel et virtuel : Dispositif artistique
Dans le Jeu de choix avec la musique improvisée du troisième groupe des travaux (DISPOSITIF et VIRTUEL : Choix et Improvisation) deux joueurs peuvent déplacer des petits cubes en produisant une musique improvisée dans l’espace compétitif virtuel par des contrôles réels. Ainsi, l'image visuelle et auditive générée dans la durée du jeu est le résultat de la coopération des deux participants. C’est-à-dire que cette image visuelle et auditive générée via la progression du jeu est le résultat de l'action combinée à la fois par la volonté intuitive et par la stratégie logique des participants. Donc, dans ce jeu, le joueur devient le calculateur, l’observateur, l’adversaire et le créateur de la musique. Grace à la règle du jeu, le participant peut prédire un mouvement virtuel de l'adversaire Néanmoins, il n'y a pas de règle fixe pour ce jeu. En d'autres termes, la création de règle est déjà un jeu en soi. La progression du jeu dans cette situation génère un flux continu d’émotion empathique entre l’opération réel et la visualisation car l'image visuelle et auditive est le résultat de l’action des participants. Par conséquent, la progression du jeu à chaque instant implique une tension dans le jeu opérationnel. De plus, l'échiquier carré dans ce jeu sert de piano virtuel. Ce dispositif virtuel est une partition interactive selon « l'interopérabilité » du participant. Donc, ce jeu virtuel devient une feintise ludique musicale et une feintise de compétition.
Le Jeu de choix selon la règle transformée dans le réseau internet consiste en des images d’échiquiers virtuelles changeantes dans l'espace d’internet, selon des gestes de « toucher l'écran tactile » du dispositif. Dans ce jeu les joueurs doivent réfléchir à une nouvelle règle et à une stratégie axiomatique ; ainsi le choix imprévisible et une stratégie prévisible sont croisés dans ce jeu. Donc, les opérateurs deviennent les stratèges, les spectateurs et les créateurs de l’image transformée. Ce jeu a une IP adresse dans l’espace Internet virtuel. La règle du jeu consiste à transformer un échiquier virtuel existant sur le serveur Internet par l’intervention de participants. Les deux participants partagent plusieurs échiquiers modifiés dans ce jeu. Les participants analysent le processus de changement et en déduisent les changements suivants. Ainsi, ce jeu est une figure logique et un jeu mental lié aux émotions ludiques. En d'autres termes, le participant analyse l'image visuelle de l'échiquier dans le jeu et procède avec l'imagination hypothétique comme la feintise liée au mouvement de la pierre. Donc, il n’y a plus de distinction entre l’auteur et l’acteur ; il perçoit les changements à sa manière. Le lieu virtuel choisi devient également une feintise de la scène théâtrale virtuelle et l’espace réel de la progression du jeu.
« L’improvisation scénographique, la performativité du jeu et l’opérabilité »
En résume, les jeux proposés, dans ces expérimentations, deviennent l’expérience d’une feintise ludique partagée et scénographique improvisée. L’expérience artistique se répète dans la simultanéité de l’« immersion » et de l’« émersion » du participant par le processus mental. Si la fiction relève d’une réaction mentale en rapport avec cet expérience réelle, elle serait également étroitement liée aux récompenses psychologiques. Jean-Marie Schaeffer, en la reliant avec une qualité physiologique, dit comme suit : « Il y a sans conteste des situations où les fictions remplissent une fonction compensatoire par rapport aux pressions d’une réalité désagréable.» Dans ce contexte, on pourrait se demander si la fiction permise par l’« Opérabilité » est aussi liée au désir psychologique personnel. En d’autres termes, la manipulation du jeu devient une activité artistique fictionnelle autonome à laquelle on peut attribuer une valeur artistique plutôt qu’un simple l’opération. En effet, l’« Opérabilité » est au-delà ces contrôles intentionnés du joueur en raison d’une perception inconsciente. Et puis, l'espace du jeu devient une scène improvisée. Le joueur opère entre la possibilité et la présence. Le temps et l'espace s'habillent d'une nouvelle performativité improvisée à chaque instant comme les cellules de notre corps subissent également chaque jour de nombreuses actions de création et de destruction.
Par conséquent, dans mes expérimentations, l’« Opérabilité » artistique devient « la possibilité d’une action ou série d’actions organisées en vue d’atteindre un but donné prévisible ou imprévisible» par l’improvisation scénographique et la performativité du jeu grâce à la volonté individuelle. De plus, l’artiste qui a proposé ces œuvres devient seulement un promoteur pour l’improvisation artistique. Dans ce contexte, le changement de rôle entre l’auteur, l’acteur, le spectateur et l’opérateur est une considération essentielle à prendre en considération pour conclure ces expérimentations. Enfin, grâce aux changements visuels ou sonores provoqués par l’opération improvisée, l’espace réel et l’espace virtuel, le dispositif et le corps de l’opérateur génèrent une feintise ludique reconfigurée à chaque instant. Ainsi, l’expérimentation porte sur la valeur de cette expérience entre l’improvisation scénographique et la performativité du jeu au fur et à mesure de l’« Opérabilité ».